Belentepe, une ferme pour répondre aux enjeux écologiques

A l’heure de l’industrialisation et de la sur-consommation en Turquie, Taner, 46 ans s’interroge sur les réels besoins humains et les enjeux écologiques de notre planète. Cette réflexion aboutit sà la création d’une ferme autonome permacole, qui se veut une solution concrète et inspirante.

Prise de conscience écologique, ou le tournant d’une vie

Taner, n’as pas toujours été fermier. Il y a 10 ans, celui-ci avait son propre business à Istanbul dans la vente de programmes informatiques pour la construction. Une carrière professionnelle satisfaisante, lui permettant d’avoir un niveau de vie très correct.

En 2008, Taner ne comprend pas vraiment comment son entreprise, située en Turquie, est tant impactée par la crise économique . En menant des recherches sur le sujet, celui ci prend conscience des nombreux problèmes de la société contemporaine, non seulement économiques mais aussi écologiques. Des courbes exponentielles, démontrant l’utilisation toujours croissante des ressources naturelles par l’activité humaine, similaire aux courbes des prix des logements en Amérique. Des courbes qui une fois arrivées à un « point critique », ne peuvent que s’effondrer, telle la crise de 2008 dans le contexte économique. La croissance exponentielle infinie est impossible dans un monde où les ressources ne se régénèrent pas aussi vite qu’elles sont consommées. La question du réchauffement climatique et de ses conséquences pour la société le préoccupe tellement qu’il décide d’en écrire un livre « KRİTİK EŞİK. », « Le point critique ». Un livre basé sur des résultats de recherches scientifiques, démontrant l’existence et les enjeux du changement climatique.

Une société basée sur une exploitation à outrance des ressources limitées ne peut que s’effondrer.

Après cette prise de conscience, Taner à l’impression de n’être qu’un pion, acteur d’un système qu’il ne cautionne plus. Un simple consommateur qui favorise les destructions écologiques au profit de quelques grandes multinationales ou de politiques frauduleux et profiteurs. Des politiques bien au courant des enjeux (Sommet de Copenhague, Rio+20) mais qui ne favorisent pas réellement des changements en faveur de l’écologie. Taner est persuadé que si nous ne changeons pas nos habitudes de vie assez rapidement pour un modèle plus durable, notre société, telle que nous la connaissons, se dirige vers une crise très grave.

L’éveil de la conscience à Belentepe

Mais quel modèle proposer ? Depuis son enfance il pense qu’il n’existe qu’un unique chemin, mais un cours de permaculture donné à Istanbul pour trois semaines, lui ouvre les portes d’une réflexion nouvelle.

La permaculture ou la théorie de la régénération

Ce cours donné par Bill Mollison démontre l’existence d’un modèle complexe favorisant la ré-utilisation constante des ressources utilisées et un mode de vie durable. Ce modèle, c’est l’agriculture permanente, aujourd’hui plus connu sous le nom de permaculture. Une encyclopédie de savoirs favorisant la mise en place d’un système de production global, qui n’épuise pas les ressources mais au contraire qui favorise leurs régénérescences, un système à l’inverse de celui que l’on connaît actuellement.Concrètement, la construction d’un lieu selon les principes de la permaculture consiste à répertorier et à utiliser de manière réfléchie et optimum l’ensemble des ressources présentes sur un terrain. Sont considérées comme ressources tous les facteurs, qu’ils soient:

  • Physiques (topologie du terrain, altitude…),
  • Climatiques (pluviométrie, ensoleillement, force et direction des vents…),
  • Pédologiques(type de sol, profondeur de sol..),
  • Géologiques (type de roche),
  • Hydrologiques (sources, nappe phréatique, type irrigation, eau de pluie),
  • Biologiques (bio-diversité animale et végétale, interactions écologiques).

En intégrant de nouvelles espèces et l’activité humaine à une utilisation optimum des ressources présentes sur le lieu, il est possible de créer un système complexe, régénérescent et productif. Une régénérescence qui peut se traduire par exemple par la création d’un compost pour les apports organiques, une amélioration du bien-être animal pour diminuer les risques de maladies ou bien encore en favorisant le maintien des sols et la qualité des cours d’eau (de très nombreux exemples sont décrits dans les livres de Bill Mollison : Permaculture 1&2). Des méthodes permettant de réduire la dépendance aux apports extérieurs et de favoriser l’augmentation des rendements agricoles, et ainsi, la réelle rentabilité.

Régénerescence permacole

Cette intégration des écosystèmes naturels productifs comprend aussi l’activité humaine et notamment son habitat. Ainsi, la construction d’un logement (type, matériaux utilisés, logique énergétique, système d’épuration…) est pensée et optimisée comme étant une partie intégrante de ce grand écosystème.

De par cette réflexion globale, la permaculture permet d’intégrer harmonieusement les paysages naturels aux activités humaines pour fournir les besoins essentiels : un air sain, une eau saine, une nourriture saine, de l’énergie.

Belentepe : Un retour à terre, pour s’éloigner du chaos des villes

La découverte des grands principes de la permaculture, ont été pour Taner une véritable révélation, la mise en évidence de l’existence d’une alternative, d’une solution aux problématiques environnementales et écologiques. Un retour à la terre s’impose donc. Les grandes villes sont le symbole de la logique, mais surtout à l’image des limites de la société contemporaine : sur-consommation, gaspillage, pollution, et surtout dépendance alimentaire et énergétique ; une ville comme Paris ne possède que trois jours d’autonomie alimentaire (Vers l’autonomie alimentaire: Pourquoi, comment et où cultiver ce que l’on mange, Frédérique Basset). A l’encontre de l’exode rural fortement présent en Turquie, Taner décide de retourner vivre à la campagne.

Taner possède, depuis des années, 1 hectare de terre pour faire son vin dans la montagne non loin de la ville de Bursa à 3 heures de route d’Istanbul. Il réadapte ses techniques de production et décide alors de réaménager son terrain pour être le plus autonome possible en intégrant les principes de la permaculture.

La première étape, symbolique de ce changement, fut d’enlever les treillis de sa vigne afin de forcer les ceps à être plus forts et donc plus résistants aux maladies. Il a ensuite développé son jardin potager. Il a mis en place des lits de cultures, préconisés dans les principes de la permaculture. Des lits qui se composent d’une succession de couches (déchets végétaux, terre, compost, limon de rivière) pour fournir à ces plantes un sol riche. De nombreux arbres ont été plantés (légumineux, fruitiers…) pour leurs productions et leurs canopées ombrageantes. Taner récolte les graines de certaines plantes au fil des saisons pour favoriser leur régénérescence les années suivantes. Son jardin potager fournit les légumes nécessaires à sa grande famille. Des canards et des poules, ont été intégrés au système : recyclage des déchets organiques en viande auto-consommée.

 L’habitat a été réfléchi durablement. Différents modèles de dôme géodésiques : isolation terre paille, construction semi-enterrée, ont été expérimentés. Ces constructions très solides (même en cas de tremblement de terre) favorisent une isolation optimum. Une cuisine « solaire passive », qui simplement grâce à l’angle de deux pare-soleils, ne reçoit pas les rayons du soleil durant les journées d’été mais seulement celles d’hiver. Des panneaux photovoltaïques et thermique et une éolienne, produisent assez d’énergie pour satisfaire les besoins quotidiens de la ferme.

Conclusion

Belentepe. Une petite ferme en haut d’une montagne. Une réflexion permacole et autonome réalisée à l’échelle individuelle, qu’il est possible de généraliser. Un retour à la terre mais surtout une façon simple mais réelle de répondre aux enjeux actuels et de prendre part au changement. La permaculture propose des solutions pour ne plus faire qu’utiliser les ressources mais les recréer, et ainsi apporter un nouveau mode de pensée.

La Turquie, un pays en cours de développement. Une forte industrialisation. Des villes toujours plus grandes. Un exode rural massif. Il semblerait que les schémas se répètent. Les erreurs faites dans les pays industrialisés sont-elles à reproduire pour répondre au seul besoin qu’est la croissance ? Les limites de l’industrialisation n’ont-elles pas été démontrés ? Les conséquences du réchauffement climatique prouvées ? Dans le contexte actuel, ne serait il pas plus intelligent, pour ces nouveaux pays d’investir durablement leurs capitaux ? Il semble difficile de faire changer les mentalités massivement. Le changement semble cependant s’opérer localement, à chacun de le faire avancer…

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